L’église Saint-Hilaire est implantée au cœur du bourg de Linazay, qu’elle signale dans le paysage par son clocher. Cet édifice, le plus ancien de la commune, accompagne la vie des habitants depuis 800 ans. L’église est un élément remarquable de notre patrimoine local, bien qu’elle ait connu, depuis sa construction au début du XIIIe siècle, bien des vicissitudes.
L’église dépendait de l’archiprêtré de Chaunay, qui regroupe une quinzaine de paroisses, sur un territoire s’étendant de Brux à Limalonges, et de Clussais à Blanzay.
L’église est dédiée à saint Hilaire, qui fût au IVe siècle le premier évêque connu de Poitiers, et l’un des premiers grands auteurs chrétiens (vers 315 – vers 359). Issu de l’aristocratie gallo-romaine poitevine, d’une famille de tradition païenne, il se convertit au christianisme qu’il diffuse dans le Poitou. Il est l’auteur d’importants ouvrages sur la doctrine chrétienne, dont son traité majeur : De la Trinité. Ce père de l’Église fait l’objet d’une importante dévotion locale. La dédicace à saint Hilaire est la plus répandue parmi les édifices religieux du pays civraisien : on la retrouve notamment pour les églises de Blanzay, Savigné, Voulême…
Une histoire mouvementée, entre dégradations et tentatives de restaurations
Comme de nombreux monuments religieux du sud du Poitou, l’édifice a souffert des Guerres de Religion. La façade, ainsi que le chevet, portent encore les traces d’un incendie.
Lors de périodes d’apaisement, vient le temps des réparations au cours des XVIIe et XVIIIe siècles.
L’une de ces rénovations a été entreprise sous l’impulsion de Louis Eschallé (†1662). Les seigneurs de cette puissante famille locale, implantée notamment au Magnou et à la Foubertière, ont financé la rénovation, l’entretien ou le mobilier de l’église et ont obtenu le privilège d’être inhumés au sein du sanctuaire. Ainsi la cloche, baptisée en août 1693 par le prêtre René Tanchot, a pour parrain Charles-François Eschallé (†1687) et pour marraine Catherine de Crugy de Marsillac de Pannessac.
À partir du XVIIIe siècle, l’entretien des églises dépend des paroissiens. Les archives communales signalent dès 1733 des dégradations suite à une tempête et l’urgence des réparations à effectuer, portant sur les enduits intérieur et extérieur, et surtout l’ensemble de la toiture, car « il pourrait manquer un millier de tuiles ».
Après la Révolution, la cure est annexée à Champagné-le-Sec, avant d’être rétablie à Linazay en 1847. En 1852, la réfection de la toiture est toujours d’actualité, et un impôt extraordinaire est demandé aux habitants pour la financer. Ces travaux sont réalisés entre 1863 et 1868, et concernent les piliers et le crépissage des murs intérieurs, ainsi que la toiture.
Trente ans plus tard, l’église est à nouveau signalée comme ruinée : « La misérable église de Linazay tombe en ruines, les murs sont lézardés, les fenêtres n’ont pas de verrières », peut-on lire dans un appel aux dons lancé par l’abbé Pouchard en 18991. C’est à cette période que sont repris les enduits des murs extérieurs, puis les restaurations sont interrompues jusqu’aux dernières décennies du XXe siècle : la couverture en ardoises du clocher en 1975, puis une remise en état de la toiture, et le couvrement en lauzes des contreforts en 1998.
Un aménagement des abords de l’église a été réalisé par la commune en 2015, favorisant la mise en valeur du chevet. Depuis deux ans, et pour les années à venir, s’est engagé un programme de rénovations, qui concerne les contreforts nord et sud, le ravalement de la façade ouest et la couverture.
L’architecture extérieure
L’édifice, de dimensions modestes, est inscrit dans un plan rectangulaire de 6 mètres sur 19 mètres. La façade ouest, très remaniée et masquée par un enduit, ne laisse pas deviner son apparence d’origine. Les traces rougeâtres qui transparaissent sous l’enduit sont les témoignages d’un incendie.
L’élévation sud présente une facture très sobre. Édifié à l’époque gothique, le monument est d’inspiration encore romane. Sont conservées de la construction initiale deux baies étroites au niveau supérieur et une ouverture en plein cintre au registre inférieur. La nef est couverte de tuiles, qui prennent appui sur un simple rebord en pierres plates. Les trois larges contreforts, ajoutés pour consolider les murs de la nef, sont construits à trois gradins, et coiffés de pierres plates.
Le clocher massif s’élève au dessus du chœur. De section carrée, il est couvert d’ardoises. Il a conservé une apparence proche de celle d’origine, avec de fines baies en partie haute, des contreforts plats, et une corniche soutenue par des modillons non ornés. La corniche est partiellement dégradée.
Le côté sud de l’église n’a pas connu de modifications majeures depuis sa représentation lithographiée par Pierre-Amédée Brouillet1 en 1865. La seule transformation apparente réside dans la couverture des contreforts, qui étaient alors recouverts de tuiles en prolongement de la toiture de la nef. La croix qui surmonte le pignon ouest a également été ajoutée lors des rénovations de 1998.
1– Pierre-Amédée Brouillet (1826-1901) est un archéologue et érudit poitevin. Dans son recueil Indicateur archéologique de l’arrondissement de Civrai, publié en 1865, il décrit l’église Saint-Hilaire, ainsi que les châteaux du Magnou et de La Chaux. Sept illustrations lithographiques sont consacrées au patrimoine communal : vues des trois monuments, relevés d’armoiries et inscription.
La sacristie est un bâtiment accolé à l’angle sud-est. Au-dessus de la porte figure l’inscription : « Jean Boisson curé de Linazay », accompagnée de la date de 1713 et de trois symboles : une croix, un calice et un Sacré-Cœur.
Les parties basses du chevet présentent à nouveau des traces d’incendie. La corniche n’a pas été préservée au mur oriental. La baie a connu des transformations, avant d’être occultée.
L’agencement du mur nord a été très bouleversé : cinq contreforts, de facture disparate, sont plaqués pour contrebuter la poussée de la nef. Aucune ouverture n’est conservée au mur nord de la nef.
Les surprises végétales du portail sud
L’entrée se fait par le côté sud, abritée par un auvent, localement appelé « balet », qui prend appui sur deux contreforts. Le reste du portail est conservé dans son état d’origine : le vocabulaire décoratif est celui du XIIIe siècle, associant des arcs brisés et des motifs végétaux.
De quatre piédroits s’engagent des colonnettes prolongées par deux voussures arrondies formant un arc brisé. La voussure supérieure est légèrement en saillie. Les tailloirs surmontant les chapiteaux ne sont pas ornés.
Les quatre chapiteaux portent un décor figuré à motif végétal : à gauche, sont représentées une feuille de chêne et une feuille grasse non déterminée ; à droite, figurent six feuilles de châtaignier.
Dans l’iconographie chrétienne, le chêne évoque la force de la foi chrétienne et la sagesse. Le châtaignier symbolise la puissance, la vérité, la justice, l’équilibre et l’équité. Ces deux espèces sont aussi les éléments dominants du paysage local.
Des décors à base de feuilles de chêne se retrouvent également, à l’époque gothique, aux portails des églises en Mellois et Civraisien : à Pioussay au XIIIe siècle, Savigné et Champniers au XVe siècle.
L’architecture intérieure
La nef forme un volume unique, composé de trois travées, séparées par des pilastres. Entre chaque pilastre, les murs latéraux sont renforcés par des arcatures aveugles en arc brisé. L’écartement du haut des murs témoigne à nouveau des déstructurations subies par l’édifice. La voûte est en berceau légèrement brisé, portée par des arcs doubleaux.
La nef est prolongée par un chœur quadrangulaire plus étroit, voûté en berceau plein cintre.
Les lions, discrets gardiens du sanctuaire
Le chœur abrite quatre pierres tombales, qui constituent un précieux témoignage sur l’histoire locale. Deux d’entre elles portent les armoiries de la famille Eschallé, très reconnaissables, d’hermine à trois têtes de lions.
En partant du nord vers le sud, la première pierre tombale est celle de Louis Eschallé (†1662), marquée d’une inscription bien conservée : « Cy gist le corps de Louis Eschallé, escurier seigneur du Magnou et de Linazai, fondateur de l’église du dit lieu, décédé le 31 iullet 1662, prié Dieu pour son âme ». La mention de fondateur de l’église ne se rapporte pas à la construction initiale de l’édifice, mais au financement de sa rénovation.
La deuxième pierre, à l’inscription aujourd’hui illisible, est, selon l’archéologue Pierre-Amédée Brouillet, celle de Jean Eschallé (†1717). La suivante, sans inscription, présente la même armoirie.
La dernière pierre tombale, dont l’armoirie est effacée, est celle de Louis Eschallé (†1693). L’inscription, encore lisible en 1865, avait été relevée par l’archéologue : « Louis Eschallé, écuyer, seigneur de la Foubertière et de Lairé, décédé le 12 juin 1693, âgé de 48 ans ». De nos jours, seule la mention « 48 ans » reste lisible.
Les registres mentionnent une quinzaine d’autres inhumations au sein de l’église, probablement sous les dalles de la nef. Cette pratique d’inhumation dans le sanctuaire s’est maintenue pendant un siècle, entre 1662 et 1752.
L’armoirie de la famille Eschallé1 s’affiche à nouveau au-dessus de la porte de la sacristie.
Les figures de couleurs et de lumière
Les remaniements de l’édifice ayant occulté plusieurs baies, seules trois ouvertures éclairent à présent l’église : en façade, au mur sud de la nef et du côté nord du chœur. Après la destruction de la verrière ouest lors de la tempête de 1999, la commune de Linazay a initié une commande de création de vitraux, auprès des maîtres-verriers Philippe Riffaud et Françoise Théallier, de l’atelier Saint-Joseph de Ruffec.
Le vitrail de la Vierge, ornant la baie de façade, a été la première réalisation, mise en place en décembre 2000. La Vierge est représentée en prière, les yeux clos. Si les couleurs de la Vierge sont traditionnellement le bleu et le rouge, des teintes plus pastels ont été privilégiées ici, autour de nuances de bleu, de violet et de jaune. Sur un fond rythmé par un simple quadrillage de losanges – rappel des motifs géométriques de l’ancienne verrière -, le drapé inscrit la figure de la Vierge dans un mouvement spiralé.
En 2003, est créé le vitrail de saint Hilaire à la petite baie sud de la nef. Le saint dédicataire de l’église est représenté sous la forme traditionnelle héritée des maîtres-verriers du XIXe siècle : saint Hilaire figure en pied, dans une stature hiératique, avec les attributs de l’évêque, la crosse et la mitre. Le Père de l’Église présente les traits d’un vieil homme portant la barbe. Dans la tradition iconographique, saint Hilaire est souvent représenté montrant son livre De la Trinité, ou encore foulant au pied un serpent symbole de l’hérésie. Ici, il esquisse seulement geste de bénédiction.
Le personnage, drapé de rouge et d’or, se détache sur le fond transparent. L’encadrement de volutes végétales occupe une place importante dans la composition, rappelant à la fois la figure symbolique du serpent et les motifs végétaux du portail.
La petite église communale est un modeste édifice qui recèle de discrets trésors. Le visiteur, accueilli par l’ambiance végétale du portail, peut poursuivre sa découverte par le dialogue, qui s’instaure à travers trois siècles d’histoire, entre les images de pierre et de verre.
À consulter aussi :
> Article : L’église Saint-Hilaire
Extrait du bulletin municipal de Linazay – décembre 2020
Mise en page : Sandrine Peyrot
Notes :
1 – La Croix, n° 5002 s, 5 août 1899.
2 – Pierre-Amédée Brouillet (1826-1901) est un archéologue et érudit poitevin. Dans son recueil Indicateur archéologique de l’arrondissement de Civrai, publié en 1865, il décrit l’église Saint-Hilaire, ainsi que les châteaux du Magnou et de La Chaux. Sept illustrations lithographiques sont consacrées au patrimoine communal : vues des trois monuments, relevés d’armoiries et inscription.
3- Les armoiries de la famille Eschallé se retrouvent également au logis du Magnou, au portail et sur une cheminée, et sur la croix hosannière du cimetière.
Sources :
– Le patrimoine des communes de France. La Vienne, tome I, Flohic, 2002.
– Panneau Les édifices cultuels du pays civraisien. Église Saint-Hilaire de Linazay, réalisée par le Pays civraisien, visible à l’intérieur de l’église.
– Plaquette Linazay. L’église Saint-Hilaire, réalisée par l’association Parvis, 2015. Disponible en ligne.
– Poinfoux, Maurice, « Notes historiques sur Linazay. La cloche, l’église, notes diverses », Les Amis du pays civraisien, n° 74, septembre 1988, p. 5.
– Poinfoux, Maurice, « Notes historiques sur Linazay. Compléments », Les Amis du pays civraisien, n° 82, septembre 1999, p. 12.
– Pintureau, Roger, « Contribution à l’étude de l’histoire locale de commune de Linazay », Les Amis du pays civraisien, n° 5, avril 1969, p. 13-15.
– Brouillet, Pierre-Amédée, Indicateur archéologique de l’arrondissement de Civrai, imprimerie et librairie P-A Ferriol, 1865. Disponible en ligne sur Gallica.
– Registres paroissiaux et d’état civil, 1631-1912, collection communale.
Texte : Isabelle Fortuné
Recherches historiques : Groupe Histoire de Linazay
Photographies : Isabelle Fortuné et Isabelle Fortuné / Wikimedia Commons CC BY-SA 4.0.
Avec l’aimable autorisation de l’atelier de vitrail Saint Joseph de Ruffec.
Illustration : Pierre-Amédée Brouillet, Indicateur archéologique de l’arrondissement de Civrai, 1865, p. 383. Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France
Carte : Le Haut et Bas Poictou, par Pierre Duval, 1689. Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France, département Cartes et plans, GE D-15136